lundi 20 octobre 2008

Suite de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 (2)

"Les Grands dépôts", AN - Paris

La semaine dernière, mon chef m’avait désigné comme représentant de la section pour présenter aux présidents de salles (des inventaires et de lecture) quelques exemples de modifications concrètes de la section du XIXe siècle de loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 qui a modifié le Livre II du Code du patrimoine (voir le précédent billet où j’expose en partie le cas des archives judiciaires). Voici la suite :

Pour les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire et pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions le nouveau délai est de 75 ans (au lieu de 100 ans) à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier (ou un délai de 25 ans à compter de la date du décès de l’intéressé (victime mais aussi accusé) si ce dernier délai est plus bref).

D’une manière générale les AN ne conservent pas les dossiers de procédure (conservés aux AD de la cour d’appel) et «les fonds judiciaires» se limitent à de la correspondance, des imprimés (journaux…), donc immédiatement communicables.

Mais les dossiers de la division criminelle contiennent souvent des pièces de l'instruction, des actes d'accusation, des extraits de casier judiciaire et autres pièces de procédure.

- pièces de forme : mandats, invitations, citations, procès-verbal de recherche infructueuse ou d'arrestation, réquisitions et bulletins de translation, lettres d'envoi, notes de frais, ordonnances de nomination d'experts, prestations de serments...
- pièces d’information : plaintes, dénonciations, procès-verbaux (gendarmerie, police), interrogatoire, dépositions de témoins, plans, rapports d'experts, état des pièces de conviction, état des frais, liste des témoins.
- acte d'accusation (généralement au parquet de la cour d'appel) : identité de l'accusé et exposé des faits incriminés, résumé du crime et de ses circonstances.
- pièces de la cour d'assises : liste des jurés, des témoins, arrêt (de condamnation ou acquittement), procès-verbal des séances.
….
Pour le cas des dossiers de personnel on constante de grandes inégalités de traitement entre les personnes concernées. J’ai cité un exemple trouvé sur internet (mais dont j’ai hélas perdu les références), l’exemple est très pertinent : prenons le cas de deux personnes du même âge qui entrent la même année au ministère de l’Instruction publique : la première y fait toute sa carrière et part à la retraite à 65 ans. Son dossier sera communicable au plus tôt 115 ans après sa naissance; la deuxième reste quelques années à l’Éducation nationale et, mal notée, démissionne à 30 ans. Son dossier deviendrait communicable 50 ans après sa démission (dernière pièce du dossier), soit 80 ans après sa naissance, alors qu’elle est toujours en vie…

Pour les mêmes personnes et en tenant en compte leur dossier médical : si la première décède dans l’année qui suit sa mise à la retraite, son dossier deviendra communicable 25 ans après, soit 91 ans après sa naissance et si la deuxième meurt à 90 ans son dossier deviendra communicable 115 ans après sa naissance…donc inégalité de traitement entre les personnes concernées.

Les dossiers de carrière des fonctionnaires de l’Instruction publique jusqu’en 1957 ont été libérés dans le système Caran (soit jusqu’à la cote F/17/26945) et pour le Rectorat de Paris (AJ/16), nous conservons des dossiers du personnel né avant 1915 (donc clôt dans les environs de 1975). Tout le fonds conservé sur le site de Paris pour l’École normale supérieure (61 AJ) a été libéré jusqu’à la cote 61 AJ/293 (ensuite, des groupes de cotes seront régulièrement libérés, etc.).

Les dossiers de naturalisation étaient communicables 60 ans à compter du décret et 30 ans à compter de la dernière date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier (arrêté du 11 juin 1998). Ce délai est aujourd’hui à partir de 50 ans (application du régime de principe sur la protection de la vie privée) ou de 100 ans (ou 25 ans à compter du décès de l’intéressé) pour les documents relatifs à l’intimité de la vie sexuelle des personnes.

Pour finir, voici un exemple de document qui porte précisément sur une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique facilement identifiable et qui peut lui porter préjudice : il s’agit d’une pièce de 1964 trouvée dans un dossier de naturalisation normalement clôt en 1929. Pour des raisons administratives, le ministère de la Justice demande au préfet des renseignements supplémentaires sur cette personne facilement identifiable et on voit ici…(commentaire de la diapositive)….

Cette notion d’appréciation ou de jugement de valeur apparaît effectivement floue et il apparaît clairement de faire preuve de souplesse et de pragmatisme, et de n’appliquer un délai de 50 ans que si, effectivement, le document demandé en communication porte un jugement subjectif réellement très négatif, voire diffamatoire…

Voilà. Va falloir faire avec cette nouvelle loi …

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