mardi 10 juin 2008

Le mélodrame du mélomane


Il existe dans les articles BB/18 des rapports rédigés par la gendarmerie et par les procureurs généraux sur les crimes commis, ainsi que sur les incendies déclarés dans leur ressort respectif entre 1891 et 1914.

Ces rapports ne constituent pas un fonds homogène. N’ont été sont décrits que les rapports de gendarmerie et de procureurs généraux intéressants les crimes et les incendies et conservés dans la série chronologique BB/18 1836 à 2530/2 (années 1891 à 1914) sous la rubrique «affaires générales». Ces rapports sont classés, pour les premiers, par date ou par corps d’armée, et pour les seconds par cours d’appel. Au même titre que les rapports d’expert, ceux analysés ci-dessous sont des éléments de base d’un dossier de procédure ou de la cause lorsque celle-ci est amenée à l’audience.

Les rapports de la gendarmerie, extrêmement synthétiques, traduisent le caractère rituel administratif, alors que ceux des procureurs généraux, organisés par cour d’appel, s’inscrivent dans la droite lignée de l’appareil judiciaire et témoignent de l’activité de la gendarmerie.
Les rapports de gendarmerie sont adressés directement par les chefs de légion au ministre de l’Intérieur ainsi qu’aux procureurs généraux. Ceux-ci les complètent par des pièces d’information ou par des pièces annexes (journaux relatant les faits incriminés, affiches, correspondances diverses, etc.) et les communiquent à leur ministère de tutelle.

À l’inverse de ceux de la gendarmerie, les rapports des procureurs généraux découlent de l’activité du parquet et n’obéissent à aucune norme définie par une circulaire quelconque. De fait, le terme «rapport» est assez impropre (le terme «dossier» serait plus approprié) même si les éléments contenus dans ces dossiers sont très variables. Souvent réduits à une ou deux pièces (parfois ne subsiste que la chemise), certains dossiers n’offrent aucun intérêt scientifique. D’autres, en revanche, apportent de riches renseignements et de surprenantes informations complémentaires aux dossiers relatifs aux affaires criminelles conservés dans la sous-série BB/18 des Archives nationales.

Si de nombreux dossiers ne permettent aucune étude de fond sur une affaire particulière, d’autres autorisent beaucoup d’espoir dans des domaines de recherche spécialisée ou de recherches individuelles (on expliquera dans un billet à venir les domaines de recherches que permettent ce groupe documentaire).

Voici un exemple amusant d’un de ces rapports de gendarmerie, qui, réputé resté sans fatuité, connaît parfois quelques débordements stylistiques à l’image de ceux du capitaine Roques (dont nous proposons la reproduction). Pour autant, cette lecture au second degré ne doit pas occulter la richesse des informations y contenues.

«Lyon, le 20 mai 1891.
Rapport du capitaine Roques, commandant la gendarmerie de la section de Lyon sur un meurtre commis à Lyon.

Le 18 mai courant, vers deux heures du soir, un meurtre a été commis à Lyon, rue Garibaldi n°160, par le nommé Bressant Charles, teinturier, âgé de 46 ans.
La victime est la nommée Mourgue Françoise Mélanie, femme Taravel, âgée de 47 ans, tireuse de cartes, demeurant (…), etc.

La victime a eu le ventre ouvert avec un couteau de boucher et elle a expiré quelques instants après dans la pharmacie Baraja où on l’avait transportée.
Comme elle souffrait depuis longtemps d’une maladie de cœur, le médecin appelé en toute hâte, avait conclu à une mort naturelle [on rappelle tout de même que «la victime a eu le ventre ouvert»!] et le crime n’a été découvert que par suite d’une lettre adressée par le meurtrier au procureur de la République.

[la chute]

On ignore encore les causes du meurtre mais l’on croit avoir affaire à un mélomane.

[c’est un meurtier musicien ou alors notre capitaine Roques voulait-il écrire «mélodrame»?]

[autre chute]

La gendarmerie n’a été prévenu qu’aujourd’hui [c’est-à-dire le 20 mai alors que le drame a eu lieu le 18 mai] par la presse locale [sans commentaires]»

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