Reclasser et inventorier la sous-série BB/20 Comptes-rendus des cours d'assises puis dans la foulée élaborer un inventaire-index des dossiers des condamnés à mort de 1826 à 1910 en BB/24/2001-2122 ne laisse pas indifférent. Ce que j'ai fait pourtant entre 1994 et 1998 et combien de fois, en consultant ces dossiers, je me suis dis in petto que tel condamné à mort puis exécuté a sûrement été victime d'une erreur judiciaire tant la justice était expéditive au XIXe siècle et que le juge, dans sa délicate mission de dire le droit, aurait pu se tromper ? (notez au passage qu'on dit "erreur judiciaire" et non pas "erreur du juge" !).
Je me suis donc souvent demandé qui réparait, en fin de compte, les erreurs judiciaires commises alors ?
Le XIXe siècle avait pourtant vu la naissance de la "criminalistique", cette expertise confiée à des "hommes de l’art" (experts en écritures, médecins en tout genre, aliénistes, psychiatres ou psychologues) qui examinaient pèle mêle des documents, des patients, des cadavres, etc., afin d'évaluer la responsabilité des criminels fous, pour retrouver les faits d’empoisonnement par des techniques de plus en plus sophistiquées de la pratique de l’autopsie, etc. C'est qu'on appelle aujourd'hui la "médecine légale"…mais, hélas, cet expert ne donne qu’un avis au juge qui, seul, annoncera le verdict : le couperet, le bagne ou la perpétuité…
Pierre Martin, Marie Breysse et Jean Rochette ont-ils été guillotinés par erreur en 1833 ?
Rappel de l'affaire : en travaillant sur BB/20, j'avais entièrement lu le compte-rendu de la cour d’assises de l’Ardèche du 6 juin 1833 sur Pierre Martin, sa femme Marie Breysse, leur domestique Jean Rochette guillotinés le 2 octobre 1833 comme coupables de la mort d'un nommé Enjolras commis le 26 octobre 1831 à l’auberge de Peyrebeille en Ardèche (on les avait également accusés d'avoir assassiné, découpé puis brûlé cinquante de leurs clients !). Leur pourvoi en appel avait été rejeté et Louis-Philippe leur a également refusé la grâce royale en août. Le procès a donc été extrêmement expéditif !
Dans cet excellent ouvrage publié par le CNRS, Thierry Boudignon ne se contente pas de faire revivre cette affaire (qui en fin de compte va déboucher sur "la légende de l’Auberge Rouge" inspirant depuis plus de 150 ans des dizaines de romanciers, d’historiens et des cinéastes qui ont transformé ce drame en comédie comme celle mise en scène par Claude Autant-Lara en 1951), mais il questionne aussi notre rapport au crime et à la justice de l'époque. Il a exploité des documents inédits : archives départementales (série U entres autres) et des Archives nationales (sous-séries BB/20 et BB/24) pour analyser toutes les procédures de l'instruction qui a duré près de 25 mois pour le dénouement que nous connaissons. Alors coupables ou victimes d'une erreur judiciaire ?
J'ai vraiment beaucoup aimé L'Auberge rouge: le dossier par Thierry Boudignon.
À lire à la campagne, dans une ferme, près d'une cheminée, un jour de neige, et tout seul…
4 commentaires:
J'ai revu le film d'Autant Lara la semaine dernière, et à la suite de cela j'avais trouvé un site entièrement consacré au fait divers. Je vais essayer de me procurer le livre que vous indiquez...et attendre un jour de neige...Merci pour ce commentaire inattendu qui vient compléter mes connaissances et ma reflexion sur la justice ...au 19°s.
Merci de cette adresse du site, je ne le connaissais pas cher Jean-Pierre. Remarquez, nous ne sommes pas mieux au XXIe siècle...voyez l'affaire d'Outreau !
Bonne journée Jean-Pierre.
Danis
Ce matin sur France Inter, j'ai entendu évoquer l' Affaire du Courrier de Lyon: une bande de 6 détrousseurs et 7 guillotinés...
Avez vous eu l'occasion de voir les archives de cette affaire célébre. Adolescent j'avais lu un livre sur le sujet qui m'avait beaucoup marqué.
Excellente idée JP, c'est une affaire qui se passe en 1796 et où il semble évident que le nommé Lesurques ait été victime d'une erreur judiciaire? Le seul problème est que que je manque de matériaux pour cette époque, nos comptes-rendus d'assises ne commencent qu'en 1816 et les premiers dossiers de condamnés à mort en 1826, ce sont les Archives départementales qui détiennnent la grande majorité des pièces de cette affaire.
A bientôt pour de nouvelles aventures.
Danis
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