lundi 9 février 2009

Les Archives nationales : des lieux pour l’histoire de France



Cet ouvrage collectif édité conjointement par les AN et Somogy, et coordonné par Claire Béchu, conservateur général, clôture le bicentenaire de l’installation des archives dans cet endroit qu’on désigne familièrement par le « quadrilatère » mais qui à l’origine ne se limitait qu’à l’hôtel de Soubise. Celui-ci avait été acquis, et non sans mal, par l’État. Il a fallu en effet expulser des locataires qui y logeaient (et ça, je l’ignorai) depuis que cet hôtel particulier avait été mis sous séquestre en octobre 1782.

Ainsi on a délogé, non sans heurts et véhémences, un nommé Chenavard, inventeur du dravanech, un revêtement mural qu’il avait fait breveté…toute une histoire (page 44).

Ce n’est là qu’une partie de centaines d’anecdotes que j’ai savouré tout un après-midi à la lecture de ce formidable ouvrage tout de couleurs, de plans de toutes sortes, d’illustrations et de reproductions inédites…j’ai retrouvé la photographie de la «maison Daunou» (page 81) détruite en 1935 et évoqué dans un billet précédent.

Un plan qui ne paye pas de mine (page 71) nous apprend qu’en 1815, des archives étaient entreposées presque à même le sol (!) dans la cour de Soubise au milieu «des écuries et des baraquements pour loger les troupes [les Prussiens]».

On sait que les archives judiciaires ne furent transférées qu’en 1847 de l’endroit où elles avaient été entreposées, à savoir la Sainte-Chapelle, on y retrouve donc, grâce sans doute à madame Cécile Souchon qui a rédigé cette section (page 68), les plans de la Sainte-Chapelle transformée en magasins.

On retrouvera aux pages 109 à 113 l’histoire de l’hôtel d’Assy acquis en mai 1845 (avec une photographie de mon bureau!) et de belles vues du jardin et du salon Oppenord.

On reconnaîtra la patte d’Anysia L’Hôtellier dans l’anecdote du columbarium (à la page 278). Il y avait au rez-de-chaussée de Napoléon III, un beau meuble de plus de 9 mètres de haut (!) creusé de milliers d’alvéoles servant à la conservation des rouleaux, ce n’était guère pratique d’autant qu’aujourd’hui on préconise la conservation à plat des cartes et plans. On a donc démonté ce monument historique aujourd’hui conservé dans un château dans l’Indre. Cette anecdote avait fait l’objet d’un article dans les Échos du récolement…

Et c’est ainsi à chaque page, des documents figurés, pour la plupart inédits, viennent illustrer le propos très savant et très recherché. Les auteurs (je ne les cite pas tous...il y a une bonne vingtaine en tout) se sont bigrement bien documentés pour faire de cet ouvrage, non pas un livre d’architecture ou technique (bien que de nombreux chapitres soient consacrés aux bâtiments), et encore moins un livre d’art ou un traité institutionnel ou encore un traité d’archivistique (bien qu’on y apprend beaucoup, grâce aux recherches de Denise Ogilvie, sur la nature des premiers versements et les tâtonnements des premiers cadres de classements, etc.), mais c’est au mieux une agréable promenade à travers le temps et l'espace dans la richesse et la variété des documents et bâtiments qui les abritent. C’est aussi un récit palpitant sur les archives, les archivistes et l’archivistique.

Les annexes sont fort précieuses (et tout aussi inédites pour certaines) : une galerie de portraits des directeurs des Archives de France et des AN, une biographie des architectes et inspecteurs de travaux qui ont œuvré sur le chantier depuis 1808, une bibliographie très riche par M-F Limon-Bonnet, etc. On ne peut cependant regretter que la confection des index soit un peu négligée (10 pages seules !).

Un grand coup de cœur donc pour cet ouvrage que tout conservateur (dans son sens le plus large) de l’archive devait posséder.

Aucun commentaire: