samedi 6 septembre 2008

Une exposition à venir sur la juridiction révolutionnaire de droit commun

(faux tampons aux armes de France trouvés en Z/3/75)


Les historiens de la période révolutionnaire ont davantage été intéressés par les archives du tribunal révolutionnaire (série W des Archives nationales) utilisées principalement dans la perspective de l’instrumentalisation de la Terreur comme moyen de gouvernement, et dans une moindre mesure par objectifs généalogiques et biographiques. Cependant, en marge de cette justice à caractère politique, se dessina très rapidement une autre forme de pénalité qui, en dehors des seuls historiens du droit, n’a guère suscité de recherches scientifiques.


Rappelons le contexte : entre octobre 1790 et janvier 1791, les juridictions d’Ancien Régime avaient cessé leurs activités, mais en matière de droit commun, le problème était crucial au vu de la situation dans les prisons, notamment à Paris, surchargées de détenus en attente de jugements.

C’est pour régler ce problème de l’arriéré des procès, qu’on institua à Paris (par la loi des 1er-5 décembre 1790) un tribunal d’appel pour les affaires criminelles jugées au Châtelet ou dans les autres sièges royaux et seigneuriaux du ressort du Parlement de Paris. Comme il était composé de 10 juges élus, il fut appelé Tribunal des dix. Il cessa ses fonctions à la fin de janvier 1791 et fut remplacé par les six tribunaux criminels provisoires (établis par la loi des 13-14 mars 1791) chargés de juger tous les procès criminels entamés avant la fermeture des tribunaux parisiens de l’Ancien Régime en janvier 1791, notamment le Châtelet et le Parlement criminel. Ils furent également supprimés par le décret des 8-13 septembre 1792 mais restèrent en activité en attendant que les six tribunaux d’arrondissement de Paris ne prennent en charge les nouveaux procès criminels (le 5e tribunal criminel provisoire continuera ainsi à juger jusqu’au 17 décembre 1792).


Mais il se trouve que les archives des six tribunaux d’arrondissement de Paris furent entièrement brûlées dans l’incendie du Palais de justice en mai 1871 (ainsi que les archives du tribunal civil de la Seine et celles du tribunal criminel de Paris).

Il en résulte que les seules archives subsistantes relatives aux affaires criminelles de droit commun dans le département de Paris, sont celles des six tribunaux criminels provisoires dont les pièces des affaires jugées entre avril 1791 et décembre 1792 avaient été remises au citoyen Terrasse, garde des archives judiciaires, par les commissaires chargés d’apposer les scellés sur les greffes, et versées aux Archives nationales (au Palais Soubise) entre 1847 et 1848.

C’est dire l’importance que revêt ce fonds (Z/3/1 à 116) pour l’histoire de la justice de la Révolution.

Les archives des tribunaux criminels provisoires nous sont parvenues intactes. Elles se composent pour une grande partie de dossiers d’instruction et/ou de procédure des affaires (y compris les procédures entamées antérieurement), de jugements rendus et pour autre partie de pièces à conviction : porte-feuilles, mouchoirs tâchés de sang, tampons pour imprimer de faux assignats ou de faux documents, lettres anonymes, fioles, couteaux, limes, chapelets, etc.

Ce fonds permet d’étudier la mise en place de la nouvelle procédure pénale. Il est indispensable pour l’analyse de la qualification des infractions à la veille de la Révolution et pour la sociologie des condamnés ainsi que pour l’individualisation des peines. Ce sont là des archives des humbles qui par ailleurs n’ont laissé que très peu de documents dans la grande histoire de la Révolution (une classe dangereuse à Paris condamnée au menu larcin, au vol à l’étalage, au vol de draps et de couverts dans les garnis où ils passaient la nuit, à la falsification de documents officiels, etc.).

Ce sont donc là des paroles (les interrogatoires), les gestes (les dépositions), les actes (les enquêtes des commissaires) par ces dossiers de procédure.

Et ce sont là enfin, des objets (les pièces à conviction) que nous tenterons de faire revivre dans une exposition-dossier à venir...(sans doute en 2009).

Mais on en reparlera...


(merci à Stéphane de Colmar, notre collègue chartiste, d'avoir relevé les quelques fautes de frappe de ce texte).

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