jeudi 20 décembre 2012

Le notaire peut il refuser son ministère le dimanche ou les jours de fêtes légales ?

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Lu dans le journal Le Monde il y a quelques heures, cette phrase du ministre du Travail, Michel Sapin, «Le dimanche doit être, sauf cas exceptionnel, un jour sans travail pour les salariés» à propos du travail dominical qui fait son retour dans le débat public après l’affaire d’un grand magasin de bricolage (Bricorama pour ne pas la nommer) qui refuse de verser la somme de 38 millions d’euros d’astreintes décidée par le Tribunal de grande instance de Pontoise (Val d’Oise) suite à une plainte du syndicat Force Ouvrière, pour avoir ouvert le dimanche une trentaine de magasins franciliens, depuis janvier, malgré l’interdiction de la justice…

« Dimanche (sauf cas exceptionnel), un jour sans travail pour les salariés (donc) ? » Y compris pour les notaires ?…Voyons ce qui se disait déjà en 1832-1834 …

Extrait de l’ouvrage d’Henry Éloy, docteur en droit, substitut du procureur impérial «De la responsabilité des notaires d’après les lois, la doctrine, la jurisprudence et les circulaires ministérielles», édition Auguste Durand, rue des Grès, Paris, 1863.

«Autre question le notaire peut il refuser son ministère les jours de dimanche ou de fêtes légales ? La jurisprudence a été appelée à se prononcer sur ce point délicat voici à quelle occasion. Un notaire refuse de recevoir un acte de main levée hypothécaire pour lequel réquisition lui est faite un dimanche et sur la demande même de la partie il motive par écrit son refus sur ce que l officier ministériel ne peut être tenu d’agir un jour que la loi elle même a consacré au repos. Plainte de la partie poursuite du ministère public basée sur ce que le notaire doit prêter son ministère lorsqu'il en est requis conformément à la loi de ventôse qui ne fait pas de distinction entre les jours ordinaires et les jours fériés.

Le syndic de la chambre des notaires de l’arrondissement de Colmar s appuyant sur un règlement de discipline intérieure pris en 1832 par les notaires de cet arrondissement et d’après lequel notamment il était arrêté que sauf les cas d’urgence de nécessité de danger ou perte réelle les notaires ne seraient pas astreints à agir les dimanches et jours de fêtes légales prend fait et cause pour le notaire et soumet la difficulté au tribunal civil.

Cette difficulté est éludée en ce sens que le tribunal se fondant sur les antécédents favorables du notaire et sur ce que le fait à lui soumis le refus du notaire ne donne pas matière à blâme renvoie le notaire de la plainte. La chambre des notaires veut être fixée sur la légalité de son règlement le syndic appelle donc de la décision du 20 janvier 1834 en ce qu'il n a pas été statué sur le fond du droit.

Mais la cour de Colmar n’avait réellement pas à statuer puisque le notaire ayant été renvoyé de la plainte sans grief la chambre des notaires ou son syndic n’avait plus à prendre le fait et cause du notaire et n’était pas plus recevable dans son appel que le notaire ne l’était lui même en sorte qu'il n’y avait pas à s’occuper des conclusions prises devant la Cour et que la question non résolue restait entière. Or ce que l’on ne saurait contester en droit c est que la loi de ventôse ne distingue pas et pose un principe général. 

Si l’on se reporte aux motifs qui ont fait établir ce principe au caractère d’officier public attribué au notaire à la nécessité dans un but d intérêt commun de lui imposer l’obligation de ne pas se refuser arbitrairement à la réquisition des parties l’on comprendra que la loi n avait en réalité à faire aucune distinction d’autant moins qu’ayant voulu éviter aux parties un préjudice ce préjudice se présenterait aussi bien dans l’hypothèse qu’on veut soustraire à l’application de la loi. En fait les notaires ne peuvent sérieusement poser en règle qu’ils ne feront pas d’actes les dimanches ou jours fériés ce serait enlever à une classe nombreuse de citoyens une faveur dont on ne peut contester l’utilité celle de ne pas être distraits de leurs jours de travail et de réserver la rédaction des actes pour les jours fériés qui leur laissent plus de loisir.

Aussi doit on dire que ce n’est qu au cas où il n’y a pas urgence nécessité danger ou perte réelle que le notaire n aura pas les jours indiqués un ministère obligé.

Tels étaient du reste l’esprit et les termes de la délibération de la chambre des notaires de l’arrondissement de Colmar et ainsi apprécié nous croyons ce règlement légal en soi. Le résultat est celui que nous avons eu déjà fréquemment l’occasion de signaler avec la jurisprudence à savoir que la responsabilité ne peut en tous cas peser sur le notaire qu’autant qu’il est auteur du préjudice.
Le tribunal de Colmar décidait donc en fait et sagement et légalement lorsqu’il prononçait que le refus du notaire dans l’espèce n offrait pas matière à blâme, que si ce refus pouvait causer préjudice, il y aurait lieu et pour le ministère public de s’alarmer et d’agir en conséquence et pour la partie lésée de demander réparation.

Le notaire en tant qu'officier public se doit aux citoyens. D’autre part la loi lui impose d’agir lorsqu'il en est requis, il manquerait donc à son devoir si son ministère devenant réellement nécessaire, il refusait de le prêter. Il est vrai que l’article 57 de la loi du 18 germinal avait fixé le repos des fonctionnaires publics aux jours de dimanches et de fêtes reconnues par le Concordat et que les circulaires recommandent l’exécution scrupuleuse de cette prescription (…). Mais il s’agissait dans l’espèce de ce jugement d’un acte qu’on reconnaissait au notaire le droit de faire le lendemain du jour férié et cette décision n’a rien de contraire au principe général de la loi de ventôse ni à celui qui veut que le notaire se trouve à la disposition des parties s’il y a urgence nécessité menace d’un préjudice ou d’une perte réelle.

Ainsi si le notaire est appelé un jour de dimanche pour recevoir le testament d’une personne dangereusement malade il nous parait évident qu’il doit se soumettre à la réquisition et que ce motif que sa croyance religieuse lui défend d’instrumenter le dimanche ne serait pas une explication suffisante de son refus… »

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