On a avancé tous sortes de chiffres : des milliers, des centaines de milliers de morts. Mais ce qui est sûr, quel que soit le nombre des victimes, l’insurrection de Madagascar en 1947, est un sujet que même les locaux ou même les Zanatanys (un Zanatany est en fait quelqu’un né à Madagascar, mais non malgache, donc d'origine étrangère), que même les Zanatanys ignorent donc, tellement que cet épisode a été occulté dans les livres d’histoire.
Les archives de cette insurrection de Madagascar sont conservées, en partie, à Aix-en-Provence, d’autres sont dispersées.
Pour l’origine de cette révolte, je vous renvoie aux historiens et spécialistes que je ne suis pas, de cette période. Mais pour faire simple, l’origine est à rechercher dans le colonialisme et la gestion de la Grande île par le gouvernement gaulliste. Dans l’idéologie vichiste aussi. Dans les ravages de la Seconde Guerre mondiale aussi. En fait, on peut trouver de nombreux éléments déclencheurs de ce massacre.
C’est le 29 mars 1947 que débute la révolte. D’abord sur la côte Est : à Manakara, à Farafanfagana aussi (?). Puis elle s’étend et les colons prennent alors peur. Ils montent vers Tananarive. En un mois, de nombreux insurgés et chefs ou autres instigateurs sont arrêtés comme responsables de la révolte. Celle ci est pourtant très vite réprimée par les troupes coloniales. Cette répression fait de très nombreuses victimes…
C’est donc cet épisode noir que le Cloître des Billettes à travers de magnifiques portraits nous invite à remémorer (l’exposition est gratuite). Magnifiques portraits du point de vue photographique j’entends. A travers une magnifique et sobre scénographie, le visiteur est amené à voir ces photographies mais aussi à lire les cartels très émouvants de ce massacre raconté par les survivants aujourd’hui.
Les conditions de cette répression s’apparentent à des crimes de guerre : exécutions sommaires entre autres, bombardements de villages, des «sorciers» sont aussi jetés vivants de l’avion pour prouver leur supercherie, d’autres sont emprisonnés dans des conditions sanitaires franchement immondes (en fin de l’exposition, un survivant explique un épisode très émouvant à propos de ses mains).
On fait alors appel à des «soldats» nord-africains pour entreprendre la répression des insurgés qui sont traqués et contraints de prendre le maquis.
De nombreux insurgés sont condamnés à mort ou aux travaux forcés à perpétuité (c’est bien expliqué dans l’exposition). Ils seront enfin libres juste avant l’indépendance.
Pour faire un peu scientifique, voici Yves Bénot dans Massacres coloniaux (Paris, La Découverte, 2001, p.122) :
«[cette révolte] a été meurtrière et atroce. Il y aurait eu 550 morts du côté des occupants, dont 350 militaires de toutes origines. On admet généralement que la répression a fait quelque 89000 morts malgaches chez les insurgés, estimation qui était celle de l’état-major à la fin de 1948».
Voilà pour les faits. Pour se souvenir maintenant, allez-y ! Franchement allez-y au Cloître des Billettes, 24, rue des Archives, 75004 Paris, Métro Hôtel de Ville (ligne 1) du 29 avril au 27 mai 2012 de 11h à 19h lundi au samedi et de 13h à 19h les dimanches et jours fériés, sans interruption pour «Portraits d’insurgés», les textes sont de l’écrivain Raharimanana et les magnifiques photographies (je m’y connais !) sont de Pierrot Men.
J'y suis allée hier.
RépondreSupprimerUn vrai choc.
Des témoignages qui me hantent encore...