mercredi 23 mai 2012

0,48 petites secondes pour deux siècles dans le Marais parisien

Les Archives nationales ont officiellement commencé leur déménagement le 22 mai 2012 (comptez plus d’un an pour environ 200 kilomètres linéaires qui vont donc quitter les magasins Braibant, Napoléon III, Soubise, Clisson, Rohan, etc.) du 3e arrondissement de Paris, vers Pierrefitte-sur-Seine, en Seine Saint Denis, dont on prévoit l’ouverture aux chercheurs au début de l’année 2013.
Et en attendant l’ouverture de ce nouveau bâtiment, les fonds seront communiqués par navette à Paris. Ces fonds seront transférés selon la nouvelle organisation des Archives nationales en départements thématiques (moi je fais partie du département Aménagement du territoire et Agriculture).
Éducation-Culture (les premiers à partir)
Exécutif-Législatif
Intérieur-Justice
Environnement
Aménagement du territoire et Agriculture
Travail-Affaires sociales
Archives privées.

Tapez «déménagement archives nationales 22 mai» sur votre outil de recherche préféré et vous trouverez environ 155 000 résultats en 0,48 secondes…0,48 petites secondes qui effacent plus de deux siècles d’installation dans le Marais parisien pour un nouveau bâtiment situé à Pierrefitte-sur-Seine, qui se veut être le plus grand centre d'archives d'Europe. Ça nous fait une belle jambe. Ne resteraient dans le Marais que le musée des Archives nationales et 55 kilomètres linéaires d'archives d’Ancien Régime et du Minutier central des notaires parisiens.

Je suis «entré» aux Archives en 1990 puis officiellement après mon concours en 1993. Plus de vingt-cinq ans de réflexion et d'actions au sein d'une institution prestigieuse méritaient bien une difficile introspection professionnelle.
Il est souvent difficile de trouver son identité professionnelle, j'ai mis environ près d’un quart de siècle (!) et je le sais d'autant plus aujourd'hui, que les prochaines années, j'exercerai probablement dans un autre lieu, sans doute dans une autre spécialité. Quoiqu'il en soit, je mesure avec beaucoup d'humilité l'honneur de pouvoir encore chaque jour, m'occuper de ces formidables archives.
Finalement, que vais-je retenir de ce parcours ? Tout au long de ce parcours et par mes fonctions au sein des Archives nationales, j’ai exercé dans plusieurs domaines d’activités, puis acquis de nombreuses compétences. J’ai essayé de répondre au mieux aux interrogations sur le contenu de mon métier et à ses modalités d’exercice au sein de l’institution où j’exerce. Cependant, parmi les autres établissements publics ou services à compétence nationale, les Archives nationales ne sont pas de ceux dont les domaines d’activités recouvrent le plus large éventail. En effet ils se résument à de grandes fonctions de l’archiviste que sont la collecte, le classement, la conservation, la communication, auxquelles s’ajoute la valorisation.
Pratiquant ce métier depuis près d’un quart de siècle, je constate cependant que ce métier d’archiviste requiert une grande adaptabilité. Je suis conscient que si, jusqu’à présent, j’étais avant tout un gestionnaire des archives (fonds clos) du XIXe siècle, j’aurai sans doute à l’avenir, la responsabilité de la gestion des archives courantes et intermédiaires. Aujourd’hui en effet, les missions d’un archiviste sont en constante évolution, il investit de nouveaux champs comme les administrations, les entreprises, les hôpitaux, les associations, etc. Pour répondre aux nouveaux besoins, les métiers liés aux archives vont désormais, et je suis persuadé, anticiper des changements, notamment par les records management ou la gestion les archives courantes et intermédiaires ; les technologies, et particulièrement les archives électroniques, modifieront aussi profondément les conditions d’exercice de nos professions même si d’un autre côté, de nouveaux outils comme l’informatique, nous aideront dans nos tâches. Ce métier nous propose pourtant de grandes possibilités d’emploi et de nombreuses évolutions professionnelles sont encore possibles.

Sans doute que ce déménagement me donnera la possibilité d’envisager de poursuivre dans une toute autre spécialité et de pouvoir évoluer professionnellement. Les nouveaux besoins ainsi que la mise en place de nouvelles organisations dans les entreprises me donnent envie de poursuivre une formation dans la gestion les archives courantes et intermédiaires. Je devrai faire un choix, réfléchir à une adaptation, souvent rendue nécessaire de nos jours, grâce notamment à la possibilité de suivre des formations continues tout au long de la vie.

Je quitterai bientôt la section du XIXe siècle et déjà j’entrevois quelques pistes de réflexion pour une évolution de mon poste voire de mon métier.
Depuis une vingtaine d’années (depuis en fait la mise en place des premières formations universitaires d’archivistes), j’avais déjà remarqué que le domaine d’intervention des archivistes passait progressivement du statut d’historien à celui de gestionnaire, et du domaine du public à celui du privé. Aujourd’hui, plus que jamais, je suis conscient que l’essor et la diffusion des nouvelles technologies m’obligeront à m’intéresser à de nouveaux types d’archives, à croiser les domaines de l’archivistique à celui de l’histoire, de la sociologie et aussi des sciences de l’information et de la communication. Et par conséquent je suis en effet certain que de nouveaux savoirs me seront demandés comme par exemple celui de connaître les profils des différents publics. Je devrai aussi connaître les textes de lois sur les règles de fonctionnement de l’institution (droit administratif par exemple), connaître la réglementation des normes en matière de gestion des archives, connaître les normes et les standards liés aux archives électroniques ainsi que ceux relatifs à la conservation des documents (tous supports) et surtout les normes et règles relatives aux nouveaux bâtiments d’archives ou celles relatives aux établissements recevant du public. Je ne devrai pas non plus négliger les nouveaux savoirs sur les procédures et les étapes de la conduite de travaux, ou les techniques de numérisation, etc.

Enfin bref ! ce déménagement aura, à défaut d’autre chose, eu le mérite de me faire une nouvelle idée de mon métier et de voir les tâches d’une manière différente…à commencer par cette très difficile introspection professionnelle.

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