vendredi 28 mars 2008

Quand Beretta est morte


Voilà ça commence comme ça :

« Quand Beretta est morte, ce que j'ai le plus regretté, c'est de ne l'avoir pas tuée moi-même. Je l'ai rencontrée au lycée. On s'est retrouvées à la rentrée dans la même classe de seconde et j'ai vu arriver cette grande nana, avec ses seins en obus, ses grandes jambes et ses cheveux marron qui lui faisaient un casque brillant.

En vrai, elle s'appelait Berthe. Ses petits camarades l'appelaient Berthe aux grands pieds depuis son premier jour d'école et plus les années passaient, plus les classes se succédaient, plus les élèves continuaient de l'appeler Berthe aux grands pieds.

Je n'étais pas différente des autres. J'ai immédiatement aligné aux grands pieds dans ma tête quand j'ai entendu Berthe, et ce n'est que plusieurs semaines après la rentrée que je lui ai enfin trouvé son nom, pendant le cours de maths. J'étais assise à côté d'elle. La prof décortiquait une équation au tableau, le corrigé des devoirs catastrophiques qu'elle venait de nous rendre. A part Alex Reichenbacher qui avait eu vingt, tout le monde était logé à la même enseigne. Beretta dessinait des formes alambiquées sur sa copie, tout autour de sa note, peut-être dans l'idée de la faire disparaître. Elle écrivait avec une encre turquoise à laquelle je n'ai jamais pu me faire. Pour moi, ce genre de couleur, c'était bon pour les filles qui mettent des ronds sur les i. Les arabesques envahissaient le haut de la copie, au point de recouvrir le nom, Berthe Achard, et elle était en train de remplir de petites hachures le ventre d'un serpentin qui passait sur son prénom.

(…)

C'est comme ça qu'on été collées, pour l'exemple, le mercredi suivant. Jusque-là, je n'avais jamais eu aucune heure de colle. (…) Et Beretta qui, pour certaines choses, était d'une ignorance crasse, avait gagné un surnom qu'elle ne comprenait même pas.
Le jour où elle a appris qu'elle portait le nom d'un flingue, elle a failli exploser. »

(…) ».

Ce sont là deux chapitres gracieusement offerts par Grasset (Copyright © Éditions Grasset & Fasquelle) sur le site suivant.

Quand Beretta est morte raconte un moment de la vie d’une adolescente. Isabelle, la narratrice et de Beretta, belle dans son jean blanc, méprisante et désespérée. Isabelle, la narratrice, tombe amoureuse de Beretta. Ces deux lycéennes auxquelles personne ne faisait attention vont commettre des actes sordides par dégoût du confort, de la bêtise, de la médiocrité et de la banalité de la vie ordinaire. La passion amoureuse née entre elles reste inédite. Il y a dans ce roman le souffle frais de l’été indien, il y a des personnages attachants, il y a des mots tout aussi pénétrants (Nadia Bouzid avait été professeur de philosophie) que remplis de poésie. Son style est direct, le suspense est garanti.
A lire !

Pleade 3.0


Hier, mercredi 26 mars, j’ai assisté à la présentation de la version 3.0 de Pleade par les sociétés AJLSM et Anaphore au Muséum national d'histoire naturelle à Paris dans l’auditorium de la Grande Galerie de l'évolution.

Pleade c’est tout d’abord une solution complète pour la publication et donc la diffusion des instruments de recherche archivistiques (en format EAD donc) et des documents numérisés. Elle propose également un puissant moteur de recherche décliné en plusieurs formulaires (simple, avancée...) ainsi qu’une une consultation souple des instruments de recherche à l'aide d'une navigation hiérarchique qui respecte le cadre de classement (grande nouveauté par rapport la version 2.0).

De premier abord et par rapport au Pleade 2.0, il est vrai que la version 3.0 offre une plus grande facilité d'utilisation (voir leur site http://pleade.com/). Le gros problème est justement cette «grande facilité d'utilisation» qui supprime tout paramétrage personnel, toute configuration personnelle ainsi que tout développement possible, etc. (tout ce qu’on pouvait faire sur la version 2.0 en modifiant les .css ou les .html des fichiers dit d’habillage ou de configuration n’est plus possible ! ; ces feuilles de styles pouvaient même être utilisées en-dehors de Pleade afin de permettre de produire des instruments de recherche en format htlm statique, etc.). La raison invoquée par les concepteurs est de ne pas «compliquer le travail de l'archiviste» puisqu’ils se sont aperçus que de nombreuses options de paramétrage étaient peu ou pas utilisées et surtout de «ne pas donner toutes les clefs à la concurrence» (celle-ci ne manque pas en effet...voir par exemple la solution Mnesys) ; c’est aussi la raison qui pousse ceux-ci à ne plus proposer leur documentation de Pleade 3.0 en ligne.

En dépit de toutes ces possibilités d’ajustements personnalisés pratiquement interdites faute de documentation appropriée, Pleade 3.0 offre de nouvelles fonctionnalités fort intéressantes.
D’abord une meilleure gestion des groupes d'instruments de recherche et la facilité de navigation plus lisible. Ensuite l'utilisation d'un cadre de classement pour organiser les instruments de recherche (très pratique puisque celui-ci pourra être utilisé pour consulter directement des instruments de recherche mais aussi servir à une meilleure présentation des résultats de recherche).

L’outil de gestion et de consultation de documents numériques est également facilité par une puissante visionneuse de lots d'images intégrée à Pleade qui permet de passer une d'image à l'autre, de faire des zooms, des impressions, etc. (c’est donc la fin du greffon de "Navimages" qui était vraiment très très compliqué à adapter).

Pleade 3.0 c’est aussi une nouvelle présentation complètement revue afin d'offrir à la fois une présentation plus moderne, plus claire (tout le menu est sur la page d’accueil), plus agréable (de jolies couleurs lavande très reposantes).

Le support du format EAC pour une description précise et structurée des producteurs d'archives a évidemment été maintenu, et on pourra également (grande nouveauté) ajouter de contenus non EAD (catalogue de bibliothèque par exemple).

De nombreux services ont adopté Pleade 3.0 dont les Archives départementales de la Loire-Atlantique, la ville de Nice, le Centre national de la danse, les Archives départementales de la Guadeloupe pour une application nommée Bisdari, la communauté urbaine du Grand Nancy, la bibliothèque nationale pour diffuser ses collections de manuscrits et de fonds d'archives, les Archives départementales du Val-de-Marne pour la refonte de leur site, etc.

Je vais donc télécharger cette nouvelle version pour me faire une idée des possibilités de Pleade 3.0…à suivre donc.

Quelques précisions apportées le lundi 7 avril

Après avoir testé Pleade 3 (chose que je n’avais pas faite en écrivant le billet précédent qui rendait compte «à chaud» de la journée du 26 mars) je pense être rassuré quant aux possibilités de paramétrages, de configurations et de personnalisations... qui, en réalité, sont les mêmes mais nettement plus faciles avec Pleade 3 qu'elles n'étaient avec les versions précédentes. On doit également être assuré que les sociétés AJLSM et Anaphore, qui ont investi beaucoup de temps, d'énergie et d'argent pour améliorer Pleade ont décidé, malgré tout, de garder l'option initiale d'un logiciel open source.

Il est indéniable de constater que Pleade 3 offre plus de fonctionnalités (plus besoin de configurer le SDX ou les localhost), plus de stabilité, plus de puissance (intégration transparente pour l’utilisateur d’une visionneuse, l’ancien «Navimages»), plus de simplicité (aux oubliettes les différentes phases de «fragmentation»). La pérennité, quant à elle, repose aussi très largement sur ces deux sociétés, et je pense qu’elles ne laisseront pas tout le champ libre à leurs concurrents…

Et tout compte fait, Pleade 3 laisse largement place pour des passionnés, des expérimentateurs, bien que, comme le remarque une réaction «anonyme», il n’a effectivement pas été question de mettre l’intégralité de la documentation en ligne (mais cela concerne d'abord et avant tout, j'ai cru comprendre, la documentation pour développeurs / intégrateurs mais que, comme il a aussi été mentionné lors de cette journée, des institutions pourraient y avoir accès).

J’oubliai encore une particularité de Pleade 3, c’est celle d’intégrer (en plus des instances XML/EAD), des bases documentaires à plat et la possibilité d’organiser les instruments de recherche les uns par rapport aux autres. À tester donc de toute urgence pour se faire une bonne idée de cet outil qui nous fait accéder à la… «troisième dimension» (dixit leur prospectus !)

vendredi 21 mars 2008

BB/11

(dossiers de naturalisations)


La sous-série BB/11 du ministère de la Justice concerne les naturalisations, changements de noms - dispenses pour mariages, autorisations de servir a l’étranger, successions aux titres et aux majorats, d'entrer ou de rester au service de puissances étrangères.

Destinée d'abord à conserver les dossiers de la division civile du ministère de la Justice relatifs aux naturalisations, aux autorisations données à des Français d'entrer ou de rester au service des puissances étrangères et aux fixations de domicile en France, la sous-série BB/11a reçu aussi ensuite les dossiers de la division civile concernant les changements de noms (à partir des dossiers de l'année 1821) et les dispenses pour mariages (à partir des dossiers de l'année 1860). Ces dossiers de naturalisations, de changements de noms, de dispenses pour mariages, qui ont été fondus au ministère même, en une série unique sont classés par tranches chronologiques diversement étendues (annuelles à partir de 1871) et à l'intérieur de chaque tranche par ordre d'enregistrement des demandes.

Dates extrêmes : 1789-1956

Importance matérielle : plus d'un millier de m.l. (environ 14000 articles)

Condition d’accès : librement communicables pour les dossiers de naturalisation (dossiers ouverts depuis plus de soixante ans) sous réserve qu’ils ne contiennent pas de pièces de moins de trente ans d’âge (arrêté du 11 juin 1998) et sous réserve des restrictions apportées par l’état matériel des documents. Tous les autres dossiers sont librement communicables sous réserve des restrictions apportées par l’état matériel des documents.

Noms des producteurs : Ministère de la Justice, division (puis direction) des affaires civiles et du sceau

Histoire des producteurs : abolie par la Révolution, l’ancienne juridiction gracieuse du Roi est rétablie au profit de Napoléon. Le service du sceau et ses archives remontent à ce rétablissement. En l’an XII est constituée au ministère de la Justice une division des grâces qui, outre les décisions de grâces en faveur des condamnés, a dans ses attributions les dispenses pour mariage, les dispenses de représentation du diplôme de licencié en droit, l’établissement des étrangers en France. En 1809, la division des grâces disparaît : la division criminelle reçoit dans ses attributions les recours en grâce des condamnés et un bureau de la division civile traite désormais des affaires relatives aux naturalisations, admissions à domicile, service et naturalisations à l’étranger, dispenses pour mariages, changements de noms. Indépendamment du ministère de la Justice, est créée en 1808 l’autre institution à l’origine du service du sceau : le Conseil du sceau des titres (majorats, titres, lettres patentes, armoiries, dotations) qui devient la commission du sceau sous la Restauration. Cette dernière fusionne avec le ministère de la Justice en 1830 (ordonnance du 31 octobre 1830 et arrêté du ministère de la Justice du 17 août 1832) : la commission du sceau est supprimée et ses bureaux sont rattachés à la division des affaires civiles du ministère de la Justice qui prend alors le nom de division (plus tard direction) des affaires civiles et du sceau.

Histoire de la conservation : destinée d'abord à conserver les dossiers de la division civile du ministère de la Justice relatifs aux naturalisations, aux autorisations données à des Français d'entrer ou de rester au service de puissances étrangères et aux fixations de domicile en France, la sous-série BB/11 a reçu aussi ensuite les dossiers concernant les changements de noms (à partir des dossiers de l'année 1821) et les dispenses pour mariages (à partir des dossiers de l'année 1860), on en reparlera (BB/12 et suivants) ainsi que les successions aux titres et aux majorats lorsque la division civile a fusionné avec la commission du sceau pour devenir la division (puis direction) des affaires civiles et du sceau (1832).

Présentation du contenu : les documents conservés dans la sous-série BB/11 forment un groupe homogène et pratiquement sans lacunes de l’an XI à 1930 de dossiers de demandes de naturalisations, admissions à domicile, changements de nom, dispenses pour mariage classés par ordre d’enregistrement et par tranches chronologiques. Les dossiers conservés aux Archives nationales forment une série unique, quel que soit le pays d’origine ou d’établissement et quel que soit l’objet de la demande.

Sources complémentaires :
Autres parties du même fonds : aux Archives nationales (Fontainebleau), les dossiers de naturalisation ouverts de 1931 à 1975 ainsi que les dossiers de demande de naturalisation par déclaration des épouses étrangères de Français ouverts de 1927 à 1945 sont conservés à Fontainebleau. Les dossiers ouverts postérieurement à 1975 sont conservés par la sous-direction des naturalisations
Archives d’autres producteurs en relation : aux Archives nationales (Paris) on trouvera en AB/XIX/13 une statistique des admissions à domicile et des naturalisations par nationalités figure dans le Compte général de l’administration de la justice civile et commerciale à partir de 1849. Voir aussi AB/XIX/2644 à 2684 pour les archives des référendaires au sceau de France qui contiennent des dossiers de demandes d’admissions à domicile, de naturalisations et de réintégrations instruites par les référendaires.
BB/29/470 à 503 et BB/29/569 à 591 et BB/27/241 à 292 et 940 à 1140 (enregistrement de la correspondance et répertoire sur fichiers).
Voir aussi les Archives départementales où il existe en principe (sous réserve d’éliminations) des dossiers de demandes d’admissions à domicile, de naturalisations et de réintégrations ouverts dans les préfectures. Pour Paris et l’ancien département de la Seine les dossiers ont été ouverts à la Préfecture de police.

Etat sommaire

BB/11/1. Autorisations à des Français de se faire naturaliser ou de garder du service à l'étranger. 1812-1814.
BB/11/2 à 4. Demandes de naturalisations. 1789-1811.
BB/11/5/1 à 5/6. Autorisations à des Français de servir à l'étranger. 1812-1814.
BB/11/6 à 8. Répertoire des lettres de naturalité accordées par le roi. 1816-1821.
BB/11/9 à 76/1. Autorisations à des Français d'entrer ou de rester au service des puissances étrangères : demandes (classement par pays). An XII-1821.
BB/11/76/2 à 91. Fixations de domicile en France. An XI-1821.
BB/11/92 à 95. Autorisations à des Français d'entrer ou de rester au service des puissances étrangères, de jouir d'une pension étrangère ; réintégrations dans la qualité de Français. 1808-1813.
BB/11/96. Admissions à domicile. 1808-1810.
BB/11/97 à 13391/1. Dossiers de demandes de naturalisations, de changements de noms, de dispenses pour mariages, de fixation de domicile en France, d’autorisations de servir à l’étranger, de demandes relatives aux dotations, majorats et armoiries. 1814-1930.
BB/11/13391/2 à 13391/10. Successions aux titres et aux majorats (1808-1956)

La sous-série BB/11 comprend encore les articles BB/11/13392 à 19063, dossiers de demandes de naturalisations (1927-1962) (AN - Fontainebleau).
Pour retrouver (interrogation en texte intégral) les numéros des dossiers de naturalisations, de changements de noms, de titres entre 1814 et 1853, voir sur le site des AN la base NAT (et pour les années après 1853, consulter notre fiche d'aide à la recherche intitulée "Je cherche un dossier de naturalisation" (en format PDF) sur le site des AN).

vendredi 14 mars 2008

Le mystère de Pégomas

Au début du XXe siècle, en 1906, la région cannoise est troublée par les méfaits de bandits qui sèment la terreur aux environs de Pégomas, non loin des bords de la Siagne, non loin du parfum des menthes et des jasmins de Grasse. Ce qui a inspiré Hubert d'Hérouville à écrire "Les bandits fantômes de Pégomas, 1906-1912" aux Annales de la Société scientifique et littéraire de Cannes en 1977-1978 (pages 125-135). Ce lieu commun a également trouvé un écho lors du fameux carnaval de Nice (ici une photographie de Cauvin montrant une scène du carnaval où s'exhibent les bandits déguisés).

Au delà de cette imagerie populaire bon enfant, les faits sont nettement plus graves. Aux Archives nationales, le dossier de cette affaire porte le numéro 1648 A 06 (en BB/18, division criminelle), mais toutes les pièces relatives à l'instruction ou au procès sont conservées aux Archives départementales.

Le dossier en BB/18 contient une centaine de pièces sur des rapports, sur la correspondance entre les autorités constituées, des lettres anonymes, des coupures de presse, etc. Dans l'une d'elle, Hules Bertagna journaliste au "Le Journal", n'hésite pas à titrer le 12 octobre 1906, "Un village terrorisé, le mystère de Pégomas".

Il poursuit "Il y a plus d'un mois, vers onze heures du soir, le village est réveillé en sursaut par le tocsin : c'est la maison Morand au quartier de Saint-Pierre qui brûle. Malgré tous les secours, le feu anéantit l'immeuble. Dix jours après, à la même heure, nouvelle alarme, à l'Ouest cette fois, au quartier du Château. La maison de M. Mul est bientôt détruite par les flammes. Le lendemain, toujours vers onze heures, un immense grenier à foin appartenant au nommé Michel Armanet est la proie du fléau (...) et voilà que deux ou trois jours plus tard, la bastide de M. Joseph Raybaud prend feu à son tour et flambe entièrement (…) puis c'est chez M. Merle. Décidément c'en est trop, etc. (…) le préfet a trouvé aussi que cela avait assez duré et il a dépêché sur les lieux un commissaire spécial adjoint de Nice, M. Cotoni, pour faire une sérieuse enquête et essayer de mettre la main sur ces sinistres gredins."

Entre temps, des coups de feu avaient aussi été tirés sur des habitations…bref c'est la panique et plusieurs agents de police et autres officiers sont dépêchés dans la région. Le rapport de la direction générale des services de recherches judiciaires du 12 janvier 1913 donne la répartition de "ces forces" (3 commissaires de police, 8 inspecteurs, 1 officier de gendarmerie et pas moins d'une cinquantaine de sous-officiers et gendarmes ! ils se relayent toutes les nuits à des postes mixtes).

Plusieurs suspects sont arrêtés, Joseph Goletto, les nommés Maestrelli, Chiapale et les autres, ils sont envoyés devant les tribunaux pour y répondre de 25 crimes d'assassinats, tentatives d'assassinats, incendies volontaires et vols qualifiés mais encore aujourd'hui la vérité reste difficile à prouver puisque toutes les informations ont été clôturées de non-lieu rendues le 30 juin 1914.

mercredi 12 mars 2008

L'art de solliciter une médaille


Dans la série "une croix de légion d'honneur à tout prix", voici un dessin envoyé de Bar-le-Duc le 29 décembre 1897 par Édouard Martin, convoyeur d’armée (cote provisoire LH/3241) pour souhaiter la bonne année au général Davoust et lui solliciter par la même occasion une croix de la Grande chancellerie.

Le dessin occupe toute la longueur du papier (environ 22 cm), Édouard Martin a utilisé des crayons de couleurs ainsi que de l'encre et quelques lavis couleur. C'est un dessin extrêmement naïf mais plein de bonne volonté, les détails sont précis (notamment sur les motifs floraux qui ornent les lettres). On y lit "souhaits de bonne et heureuse année, de très bonne santé, de bonheur parfait, de prospérité et de longévité d'un blessé de la bataille de Sedan à monsieur le général Davoust, etc." et elle continue par :

Mon cher général
Le soussigné Martin Édouard, blessé grièvement à la bataille de Sedan, demeurant à Bar-le-Duc (Meuse) a l’honneur de vous adresser de nouveau ces quelques lignes
[en fait 2 pages !] au sujet de la demande de Croix de Chevalier de la Légion d’honneur que j’ai adressé à la Grande chancellerie il y a déjà plusieurs années (…) pour avoir été blessé aussi grièvement en 1870 sur le champ de bataille de Sedan (jambe amputée et autres blessures reçues à mon autre jambe par des éclats d’obus) étant à la tête de mes chevaux et de ma voiture, mais encore principalement pour avoir sauvé en face de l’ennemi à la bataille de Mozon, un certain nombre de voitures de convoyeurs (…).

Mais une note en marge indique "écrit le 30 décembre 97 [donc le lendemain] que le Gd Ch. [Grand chancelier] le remercie de ses souhaits mais que comme c’est sur la proposition du Gd Ch. qu’il a déjà été médaillé il ne peut plus être proposé pour la croix en invoquant les mêmes motifs…".

Pas de bol pour notre nommé Martin ! être amputé d'une jambe ne suffit manifestement pas à amadouer le Grand chancelier qui semble en avoir vu d'autres !

Aujourd'hui c'est différent…

vendredi 7 mars 2008

Figures de femmes criminelles

(Charlotte Corday)

Ce matin j'ai assisté à une moitié de colloque (le matin uniquement) sur les figures de femmes criminelles organisé en la Sorbonne.

Il s’agissait de comprendre comment la criminalité féminine a été culturellement forgée jusqu’à nos jours et pourquoi le récit de leurs crimes les transforme-t-il si facilement en monstres ? nous nous sommes en effet toujours nourri de l’image de la femme comme gardienne du foyer traditionnellement assignée à l’épouse et à la mère, un rôle qu’il est dangereux d’enfreindre. Alors comment le déconstruire pour représenter les femmes coupables? Voilà le résumé rapide.

La matinée était sous la responsabilité de Frédéric Chauvaud, grand historien de l'Université de Poitiers. Il parle posément, clairement, d'une voix douce. Le président de séance était Dominique Kalifa. D'abord passe Arlette Farge, historienne qu'on ne présente plus, spécialiste de la criminalité du XVIIIe siècle entre autres mais aussi auteur du délicieux "le goût de l'archive" sorti il y a 15 ans. Ce matin elle nous a présenté "l'espace public de la criminalité féminine", une présentation "pas à pas", "cas par cas". Très intéressant.

Ensuite c'est au tour d'Anne-Emmanuelle Demartini, historienne de Diderot-7, sur "la figure de l’empoisonneuse", elle évoque Violette Nozières, puis la marquise de Brinvilliers, célèbre parmi les célèbres empoisonneuses, exécutée sur la place de grève en 1676, mais aussi Marie Lafarge, condamnée aux travaux forcés à perpétuité par la cour d'assises de la Corrèze et à l’exposition sur la place publique en 1840, et évidemment quand on évoque Marie Lafarge il y a toujours dans le public une question sur un possible "coup monté", une erreur judiciaire, voire un "crime parfait", et ça n'a pas manqué : une vielle dame qui se dit être descendante des Lafarge affirme détenir des informations uniques et inédites sur "l’affaire Lafarge"…(!) ben voyons...!

Allez on continue, voici Anne-Claude Ambroise-Rendu, historienne de Paris X qui nous parle de ces femmes qui trahissent leur sexe, ces "criminelles sexuelles et mères maltraitantes au XIXe-XXe siècles", j'ai retenu que la femme avait un goût prononcé au sang sans doute parce qu'elles en perdent tous les mois et qu'au moment de l'accouchement elle en perdait encore davantage, etc., assez intéressante intervention à vrai dire.

Puis Karine Salomé, historienne de l'Université de Poitiers, évoque la vie des femmes "terroristes", un mot qu'elle a volontairement forgé pour regrouper Charlotte Corday, Germaine Berton et autres femmes coupables de voies de faits sur des personnalités politiques (Marat, Louis-Philippe, etc.).

Enfin Véronique Blanchard, responsable du centre d’exposition "Enfants en justice" à Savigny-sur-Orge, et Jean-Jacques Yvorel, historien, ont clos la matinée sur les "mineures criminelles : portraits croisés XIXe-XXe siècles", vraiment très vivant et bien documenté. Bravo !

Lundi je vais encore assiter à une journée d'études, ça n'arrête pas...là c'est "les hommes et les femmes de l'Université, regards sur quelques itinéraires" (bicentenaire de l'Université oblige).

mercredi 5 mars 2008

Des chutes mortelles

(le phare du Titan dans le Var)


Dans la série des chutes mortelles d'un phare, j'avais déjà signalé le cas de Jean-René Mével, né le 1er janvier 1861 à l’île de Bréhat, gardien du phare des Roches-Douvres, qui s'était fracassé le crâne à la suite d'une chute dans le vide entre le limon et la lisse de l'escalier le 6 janvier 1893 (dossier en F/14/3153), lire cet ancien billet

Depuis cette trouvaille que Marianne W. m'avait alors fait part, j'ai retrouvé dans les 300 gardiens de phares recensés dans les dossiers de pension du personnel des Travaux publics (XIXe siècle) en F/14/2945 à 3075 et F/14/3077 à 3184, une bonne dizaine de chutes en tout genre.
Tous les accidents ne sont pas dus à des chutes de phares. Ainsi un nommé Marie-Esther-Aimé-Vincent Verrier, éclusier, né le 20 avril 1865 à Ovanches (Haute-Saône), décède le 21 novembre 1898 par suite d'un banal accident de service : il avait fait une chute mortelle en élaguant un arbre aux environs de Rupt-sur-Saône où il demeurait en compagnie de sa femme Emélie-Léonie née Gibrat (ce dossier et les rapports de l'accident sont en F/14/3181).

Les éclusiers et les maîtres de port (avec les gardiens de phares) sont les plus exposés aux chutes. François-Claude Pocard, né le 14 avril 1848 à Pouilly-en-Auxois (Côte-d'Or), éclusier à Chassignelles (Yonne) décède le 4 juillet 1896 d'une chute restée inexpliquée (dossier en F/14/3164). Un autre est piétiné par un bœuf après une chute de cheval en tournée à Oua-Tioli en Nouvelle-Calédonie le 7 juillet 1884 (dossier Denis Reynier, né le 1er mai 1852, F/14/3169).

Les chutes accidentelles et parfois mortelles dans le chenal sont également très courantes, ainsi Alfred-Adolphe Nothias né le 6 mars 1834 à Dieppe décède par suite d'une infirmité résultant de l'exercice de ses fonctions : sa vue de nuit étant considérablement affaiblie par une cataracte, il chuta malencontreusement dans le chenal et décéda quelques jours plus tard, le 22 avril 1905 (dossier en F/14/3157).

Francis-Camille-Ulysse Pomaret, né le 17 février 1842 à Montmeyran (Drôme) décède le 21 avril 1879 d'une pneumonie contractée par suite d'une chute dans un canal lors d'une tournée (F/14/3165).

Pierre Lavallée né le 6 mai 1824 à Gravelines chute du tillac sur le pont d'un navire au cours de manœuvres de port le 20 février 1886 (F/14/3137), de même que Pierre Duran le 16 mars 1882 décède par suite d'une chute en 1881 lors de la construction d'un batardeau à l'écluse à Saint-Géry dans la Haute-Garonne (F/14/3107), etc.

Quant aux gardien de phares, j'en ai recensé quatre (avec notre Jean-René Mével du phare des Roches-Douvres).

Eugène, Marie Grenapin né en 1837, gardien de phare à Saint-Nazaire chute de l'échelle du phare et décède le 15 décembre 1883, son dossier en F/14/3122 contient des témoignages et des rapports en tout genre : il laisse cinq enfants et une veuve.

Blaise, Barthelemy Doucet né le 3 février 1808 à Ramatuelle (Var) chute de 13 mètres de la tour du phare de Camarat (bâti entre 1829 et 1832) et décède le 18 août 1889 (F/14/3104). Aujourd'hui l’accès au phare n’est plus autorisé pour des raisons de sécurité et comme celui des Roches-Douvres, il est entièrement automatisé depuis 1977.

Toujours dans le Var, à Hyères, au phare du Titan, Léon Guérin né le 14 septembre 1873, décède le 10 février 1908 en chutant dans la citerne (F/14/3123). Le phare du Titan est situé sur l'île du Levant au large du département du Var, mais seule une partie de l'île est accessible au public. Autrefois c'était une colonie pénitentiaire pour enfants. Le phare a été construit en 1835, il fut démoli puis reconstruit en 1897. Il mesure environ 10 mètres de haut et comme tous les phares que nous avons visités tout au long de ces dramatiques et mortelles chutes, il a été automatisé en 1984 et ne se visite plus.

samedi 1 mars 2008

Ce qu'on trouve aux AN sur la Légion d'honneur


Suite à mes récents messages, on m'a demandé ce qu'on trouvait au juste aux Archives nationales sur la Légion d'honneur. En fait on trouve deux types de documents selon que la personne ait été décorée de la Légion d’honneur, ou susceptible de l’avoir été : des dossiers de proposition pour ce deuxième cas, et des dossiers de titulaires ou de « légionnaires » proprement dits.

Les dossiers de propositions pour la Légion d’honneur instruits par les ministères sont des fonds provenant des divers départements ministériels qui ont conservé ces documents (sauf pour les dossiers de propositions des ministères des Affaires étrangères, de la Défense (Guerre et Marine) et des Finances qui sont conservés dans les services d’archives respectifs des dits ministères.). Ils sont souvent assez abondants en pièces diverses et portent sur des propositions collectives ou individuelles; pour des distinctions honorifiques, et particulièrement pour la Légion d’honneur.

Ces dossiers sont toutefois d'une qualité et d'une consistance très inégales selon les départements ministériels : ainsi en F/70 les dossiers se réduisent le plus souvent à la minute de la lettre d'avis de nomination. En revanche, dans les départements ministériels dont les dossiers de proposition ont un riche contenu (sous-série F/12 par exemple ou encore dans ceux que nous sommes en train de classer), on trouve souvent des renseignements très circonstanciés sur la carrière et les titres des candidats (qui remplissent eux-mêmes les fiches de renseignements) et leurs appuis politiques ou professionnels.

Les dossiers se composent le plus souvent des pièces suivantes : fiche(s) de renseignement remplie(s) par les candidats, donnant des informations sur leur état civil (nom, prénoms, date et lieu de naissance) et leur formation, leurs services militaires, les diverses situations qu’ils ont occupées, leurs services dans les établissements de bienfaisance, commissions, comités, chambres syndicales, chambres de commerce, etc., leurs publications, titres littéraires, scientifiques, artistiques, etc., les services extraordinaires qu’ils ont rendus, les distinctions honorifiques qui leur ont été décernées, avis du préfet du lieu de domicile du candidat (renseignant éventuellement sur ses opinions politiques) et extrait de casier judiciaire, lettres de recommandations diverses (du député ou du sénateur du lieu de résidence du candidat, d’autres parlementaires, d’hommes politiques…), qui peuvent donner des indications sur le réseau d’influences du candidat, copie du décret de nomination dans l’ordre (pour les personnes promues).

Les dossiers des titulaires (décédés avant 1954) provenant de la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur versés aux AN sont à chercher dans la base Leonore, accessible sur le site des AN.

Pour tout autre renseignement complémentaire concernant le fonds de la Légion d’honneur, il faut contacter le Musée national de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie, 2 rue de la Légion d'honneur (anciennement rue de Bellechasse), 75007 Paris, dont voici le site, ou la Société d’entraide des membres de la Légion d’honneur, 129 rue de Grenelle, 75007 Paris.


En prime, voici une liste, non exhaustive, des dossiers de propositions et de nominations conservés aux Archives nationales en dehors du fonds propre de l’ordre de la Légion d’honneur.

Ministère de l’Intérieur
F1d III 1 à 9. Légion d’honneur, ordres divers, anoblissement (an XI-1859)
F1d III 101 à 2112. Propositions pour la Légion d’honneur, classement départemental et alphabétique (1805 1880)
F1d III 299. Répertoire alphabétique sur fiches des nominations dans la Légion d’honneur (1821-1826)
F1d III 300-301. Légion d’honneur, dossiers anciens de la garde nationale (1813-1870)
F1d III 302-380. Légion d’honneur, propositions, classement départemental et alphabétique (1880-1932)
F1d III 445-464. Légion d’honneur, propositions, classement alphabétique (1933-1935)

Ministère de l’Industrie et du Commerce
F12 5080 à 5320. Légion d’honneur, dossiers individuels de proposition classés de A à Z (1815-1916)
F12 5301-5313. Légion d’honneur, propositions collectives (1830-1899)
F12 5314-5320 : Légion d’honneur, propositions à l’occasion d’expositions ou de voyages présidentiels (1849-1897)
F12 5322 : Légion d’honneur accordée à des étrangers (1879-1888)
F12* 6091 : Légion d’honneur, répertoire des propositions (1852-1855)
F12 6635-6670 : Légion d’honneur, dossiers individuels de proposition à l’occasion d’expositions, classés de A à Z (1898-1914)
F12 8492-8759 : Légion d’honneur, dossiers individuels de proposition classés de A à Z (1890-1939)
F12 8760-8766 : Légion d’honneur, listes de présentation [chronologique] (1909-1934)

Bâtiments civils
F13 650 : Personnel des Bâtiments civils, architectes, demandes pour la Légion d’honneur (1811-1836)

Ministère des Travaux publics
F14 11069 : Personnels des Ponts-et-Chaussées et des Mines : Légion d’honneur (1811-1868)

Ministère de l’Instruction publique
F17 1420-1421 : Demandes de décorations, dont Légion d’honneur (1808-1870)
F17 2097-2099 : Demandes de nomination et de promotion dans la Légion d’honneur (1851-1892)
F17* 2107 : Répertoire des ordonnances et décrets portant nomination et promotion dans la Légion d’honneur (1828-1877)
F17 2578-2583 : Légion d’honneur, classement chronologique (1828-1904)
F17 2761-2774 : Id. (1852-1910)
F17 12744-17245 : Légion d’honneur (1875-1895)
F17 40001-40015 : Légion d’honneur, dossiers généraux (1880-1939)
F17 40016-40044 : Légion d’honneur, notices de promotion (1945-1952)
F17 40045-40134 : Légion d’honneur, dossiers (XIXe-XXe s.)

Ministère des Cultes
F19* 1378-1379 : Légion d’honneur (1853-1908)
F19 3185-3207 : Légion d’honneur (an XII-1906)
F19 10087-10092 : Clergé protestant, décorations (dont Légion d’honneur)

Secrétariat d’État aux Beaux-Arts
F21* 2798 : Artistes récompensés [dont Légion d’honneur] (1860-1868)

Services extraordinaires des temps de guerre
F23 354-370. Guerre de 1914-1918. Ministère des Régions libérées. Légion d’honneur, dossiers individuels [A-Z] (1919-1938)

Ministère d’État (Second Empire)
F70 1141-120 : Dossiers des légionnaires, demandes de décorations, nominations (1849-1870)

Ministère de la Justice
BB30 1116A : Demandes de lettres patentes déclaratives de la Légion d’honneur, classement alphabétique (1808-1822)
BB33 1 à 59 : Légion d’honneur, promotions et propositions de magistrats (1814-1936)
BB33 601-6051 : Dossiers individuels de candidats pour la Légion d’honneur, classement alphabétique (1922-1936)
BB34 362-363 : Décrets de Légion d’honneur (1866-1920)

Secrétairerie d’État impériale (Premier Empire)
AF IV* 92 : Procès-verbaux des grands conseils d’administration de la Légion d’honneur (1806-1813)
AF IV* 313 : Copies d’actes, Légion d’honneur (an XII-1810)
AF IV 1037-1039 : Légion d’honneur (an X-1814)

Maison du Roi (Restauration)
O3 2266 : Légion d’honneur (1816-1830)