mardi 20 février 2007

Travaux effectués au Muséum d’histoire naturelle entre 1833-1867 par Charles Rohault de Fleury

Les 4 cartons de la sous-série AJ/15/863-866 des Archives nationales renferment des documents sur les travaux effectués au Muséum d’histoire naturelle de Paris par l’architecte Charles Rohault de Fleury (né le 23 juillet 1801, mort le 11 août 1875, ancien élève de l’École polytechnique en 1820, puis de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, attaché aux travaux publics comme inspecteur depuis 1824 et nommé architecte en chef au Muséum d’histoire naturelle en 1832).

La loi du 6 juillet 1836 autorise les travaux à effectuer à la Madeleine, au Muséum d’histoire naturelle, à l’hôtel du Quai d’Orsay, au Collège de France et au placement de l’obélisque. Un crédit de 1 200 000 francs, pour l’exercice 1836-1837, est ouvert pour l’achèvement des travaux au Muséum. Ils porteront notamment sur les terrains récemment acquis par le Muséum à la ville de Paris par la loi du 6 juin 1833 (six arpents de terrain à l’angle du quai Saint-Bernard et de la rue de Seine ainsi que le terrain de la rue Buffon), et sur lequel seront aménagés et construits « un magasin pour le bois, un dépôt pour le fumier, un abattoir, des cuves pour les macérations et des objets qui ne conviennent pas de laisser dans l’intérieur du jardin (…) » (AJ/15/863, dossier « devis »).

Il s’agira aussi de restaurer les grilles de la rue Buffon, de construire un poêle dans l’Orangerie, d’effectuer de menus travaux à l’oisellerie et à la faisanderie, de sabler et de repiquer les allées, etc (voir la liste des travaux en AJ/15/863, dossier "devis").

Le gros œuvre, quant à lui, concerne la démolition des maisons acquises par le Muséum, la construction de logements pour le personnel, l’achèvement de la bibliothèque et de l’amphithéâtre de la galerie d’anatomie comparée, la distribution des eaux et la construction d’un grand réservoir près de la place de la Piété, la restauration et l’aménagement des galeries de minéralogie, de géologie, de botanique et la construction de deux serres métalliques chaudes.

mercredi 14 février 2007

De l'hypocauste au chauffage central

L'objet représenté ici est l'ancêtre de notre chauffage actuel et se trouve dans mon bureau, à l'hôtel d'Assy. Il est typique des immeubles bourgeois du Marais au XVIIIe siècle.
L'homme est sensible aux variations de température, se protéger du froid lui est donc nécessaire et même vital. D’abord réalisée grâce aux vêtements, cette protection s’étendit à son habitation depuis qu'il a su dompter le feu il y a environ cinquante mille ans si je ne me trompe pas dans les différents âges. Mais faire entrer le feu dans l'habitation n'a pas été facile (appel d'air nécessaire pour faire durer le feu, problème d’enfumage, de respiration, etc)...

Dans les premières maisons, le feu était à même le sol ou sur une plaque d'argile ou encore ceinturé par des cailloux ou des galets. La fumée s'échappait par les éléments que formaient le toit (voir les tentes des nomades de la Mongolie). La cheminée n'est apparue que tardivement, vers le XIe siècle semble-t-il (elle équipait alors les châteaux et les vastes demeures). Au XVe siècle grâce à la découverte d’un alliage de fer et de carbone, une plaque de fonte a été mise près du foyer (elle permis alors l’accumulation et la circulation de la chaleur) et dans le même temps la forme du conduit de la cheminée se perfectionne…mais je ne suis un spécialiste de la cheminée…

Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est le poêle, c’est-à-dire un foyer fermé relié à un conduit qui évacue la fumée, qui a commencé à remplacer la cheminée murale à partir du XVIIe siècle (le combustible utilisé alors était le bois et le charbon évidemment, mais aussi la bouse d’animaux ou de la tourbe fossile). J’étais encore trop jeune, mais il paraît que jusque dans les années 50, on a encore utilisé le poêle dans certaines écoles.

Cheminées et poêles ne permettaient de chauffer qu'une pièce de la maison à l’inverse du chauffage central permettant de mettre toutes les pièces d'une maison à une même température (à l’instar de l'hypocauste romain utilisé principalement pour les salles de bains : on chauffait le sol par des tuyaux souterrains qui répartissaient la chaleur au dessus). Il s'agissait tout de même d'un chauffage par le sol : le foyer situé au niveau du plancher chauffait le sol qui transmettait la chaleur à la salle.

Dans les immeubles bourgeois du XVIIIe siècle (mon bureau actuel à l’hôtel d’Assy!) on a utilisé le même principe qui s’apparente à un radiateur actuel. C’est un genre de poêle central alimenté d’un combustible (charbon?) qui distribue l'air chaud. Il n'est cependant pas facile à régler puisque ce dispositif est équipé d’une grille protectrice et d’un genre d’auvent permettant de régler la température…

Je me suis amusé à trouvé ce genre de dispositif sur le site du ministère de la Culture et les différentes bases de données (Mérimée, Objets, Palissy, etc.). Mais je n’ai rien trouvé à l’exception de jolis mots que je vous livre en vrac : bouillotte, brique chauffe-lit, chauffe-bain, brasero, chaufferette, cribles-cendres, étouffoir à braises réchaud à braises, moine (caisse doublée de fer-blanc où l’on suspend un réchaud pour chauffer un lit), fer chauffe-lit, fer chauffe-mains, etc.

Mais au fond qu’importe tout cela puisque chez moi je n’utilise pas le chauffage (même en hiver!) : je suis exposé plein sud et sous les toits. Toute la chaleur emmagasinée dans la journée m’est restituée la nuit....

samedi 10 février 2007

La tour Eiffel

Le nom occupe une place très importante dans la personnalité de l’individu puisque celui-ci, par définition, lui est imposé par sa naissance et qu’il lui est impossible de le modifier sans consentement judiciaire. Seul le recours à la justice permet en effet de modifier ou de le changer (ne serait-ce qu’une seule lettre !), mais la démarche reste longue et la production de différentes pièces au greffe du Tribunal décourage plus d’un.

Pourtant, depuis la loi du 11 germinal an XI autorisant le changement de nom (ou de prénom) à toute personne de nationalité française invoquant un motif légitime, près de 35000 décisions ont été prises pour les patronymes ridicules qui se prêtent à rire ou ceux d’origine étrangère, ou encore ceux qui désignent un défaut physique ou expriment un trait de caractère…les exemples ne manquent pas : Pucelle, Couillon, Téton, Moche, Radin, Cocu, Nigaud, Moche, Rat, Letrou, Lacrotte changent respectivement en Pugel, Coulineau ou Coullon, Ceton ou Toutel, Monroche, Rolin, Giraud, Monroche, Prat, Lerou, Lacoste, etc.

En 1878, un certain Gustave Bonickausen (ce nom ne vous dit rien, c’est normal) envoie une supplique au ministre de la Justice, demandant à ce que son nom soit changé en Gustave Eiffel (ce nom vous est-il plus familier ?). Le ministre a accueilli favorablement sa requête…

Voici une transcription des folios 3 et 4 de la supplique de Gustave Bonickausen au ministre de la Justice, demandant à ce que son nom soit changé en Gustave Eiffel (cote des Archives nationales : BB/11/1473 dossier 3121x78)

Paris le 30 octobre 1878
(...)
Le véritable intérêt, celui qui vous paraîtra décisif, Monsieur le Ministre, c’est que ce nom de Bonickausen a une consonance allemande qui inspire doutes sur ma nationalité française, et ce simple doute est de nature à me causer soit individuellement, soit commercialement, le plus grand préjudice.

Depuis la dernière guerre, les sentiments d’antipathie contre les Allemands, qui sont nés de ces douloureux événements de 1870-1871, ont eu, vous le savez pour résultat de faire mettre en suspicion les étrangers de cette nationalité ; si bien qu’on hésite à confier un travail ou à faire des commandes à un Allemand. Il y a plus, nous sommes si près de ces temps malheureux que c’est encore aujourd’hui une injure à lancer à la face d’un individu que de l’appeler Prussien.

(...)

Depuis la Guerre, à plusieurs reprises, des ouvriers [et] des employés congédiés, ont essayé de faire circuler des bruits graves sur ma nationalité.

On a répandu des bruits parmi les Électeurs de Levallois dans le but d’empêcher mon élection comme Conseiller Municipal de cette commune, on a cherché à accréditer ces mêmes bruits parmi mes ouvriers afin de les amener à quitter mes ateliers ; et tout cela parce qu’on avait trouvé dans des actes publics cette dénomination de consonances toute germanique que je semble dissimuler sous un nom d’emprunt. Les choses en sont venues à ce point que j’ai du en 1876, actionner devant le Tribunal Correctionnel de la Seine au s[ieu]r Petit Girard qui, dans un libellé répandu à profusion m'avait accusé d'être Prussien et d'être un espion à la solde de la Prusse. Le Tribunal, par jugement du 31 mars 1876, maintenu sur opposition, a condamné cet individu à 2 mois d'emprisonnement et à 100 F d'amende. (v[oir] ce jugement, pièces 18 et 19 (Gazette du 15 mars 1877), le jugement portant en d'autres ces considérants : "ce que ces faits avaient été reconnus mensonges même par le Prévenu à l'audience".

Vous pourrez même remarquer, Monsieur le Ministre, que plusieurs fois dans le dispositif, le nom d'Eiffel se trouve seul mentionné.

Dans ces circonstances, il vous paraîtra sans doute urgent, Monsieur le Ministre, de faire choir à ma demande dans mon intérêt et dans celui de mes enfants. Je n'ai pas besoin de vous faire observer qu'à la différence de biens des sollicitations qui vous sont journellement adressées pour obtenir des changements de noms, ma demande n'est inspirée par aucun motif de vanité, je ne demande pas une particule ni un nom nobiliaire, ni un titre, je ne réclame même pas un nom nouveau sous lequel je puisse dissimuler un passé que j'aurais des raisons de vouloir cacher, tout au contraire je demande à porter à porter le seul nom sous lequel moi et ma famille nous sommes connus depuis plusieurs générations et qui n'est pas un nom d'emprunt ainsi que le démontrent les titres qui sont sous vos yeux. En réclamant la suppression d'un nom qui n'est plus usité, que tout le monde ignore et que je demande à changer pour m'affranchir des inconvénients que présente son analogie avec un nom trop particulièrement allemand. Je crois obéir à un sentiment que vous approuverez. J'ajoute que personne ne songera certainement à former opposition à ma demande, personne n'y a le moindre intérêt.

En conséquence, et par ces motifs, j'ai l'honneur de solliciter l'autorisation de supprimer dans mon nom et dans celui de mes enfants, le nom de Bonickhausen et de porter à l'avenir, uniquement le nom de : Eiffel.

Dans l'espoir que vous voudrez bien accueillir favorablement ma requête. J'ai l'honneur d'être. Monsieur le Ministre, votre respectueux et très humble serviteur.

G Bonickausen dit Eiffel

Pour trouver un dossier de changement de noms aux Archives nationales, voir notre fiche d’aide à la recherche sur le site

mercredi 7 février 2007

Des pigeons dans les archives

Rencontrer des pigeons clandestins sous les combles des dépôts d’archives est chose courante tant ceux ci ont colonisé les villes à tel point qu’un certain nombre d'habitants prend maintenant plaisir à les nourrir ou à les observer (attention toutefois au risque de la pandémie du virus H5N1 et de la grippe aviaire…).

Moins banal en revanche, est de retrouver (cette fois, légalement) des plumes de ces charmants oiseaux de la famille des Columbidae, dans les cartons d’archives. Ce qui m’est pourtant arrivé en ouvrant le dossier 12085 du carton F/7/6961. Quatre plumes envoyées par le préfet du Nord au ministre de l’Intérieur, dont voici la transcription de la lettre d’envoi.

Préfecture du Nord, Lille, 26 juillet 1824
Monseigneur
Les correspondances de pigeons sont fort bien connues, et les journaux en parlent fréquemment. J’ai cru toutefois devoir informer votre Excellence qu’un de ces pigeons, blessé, a été pris le 19 de ce mois dans la commune de Sarspoteries, arrondissement d’Avesnes, et portait sur ses ailes diverses empreintes dont votre Excellence jugera par l’inspection des quatre plumes ci-jointes.
Agréez, Monseigneur, l’hommage de mon respect.
Le préfet du Nord
[Géraud, Antoine, Hippolyte, comte de] Murat

Par souci de sécurité, ces plumes sont aujourd’hui conservées au Musée de l’histoire de France. Avis aux colombophiles…

jeudi 1 février 2007

On ne fume plus !


Aujourd'hui 1er février 2007 : interdiction de fumer dans les lieux publics...il était temps !
Comme par hasard, en faisant l'inventaire des journaux conservés dans un carton d'archives (AJ/15/842) je lis dans Le Populaire de Paris (n° 48 du 22 décembre 1884) dans la rubrique Éphémérides un article signé E. Dujon et intitulé Le monopole du tabac.

"Le gouvernement impérial de 1810 rétablit le monopole du tabac qui est, comme chacun le sait, une des sources les plus importantes du revenu pour le trésor public. Cette plante que les uns qualifient de poison lent, que les autres aiment pour son parfum, joue donc un rôle important dans notre économie sociale. Lorsque Nicot, ambassadeur de France au Portugal, offrait cette plante à la reine Catherine de Médicis, il était certainement loin de penser qu’il avait trouvé une mine de richesse incalculable à exploiter.
Dès le dix septième siècle (…)"
Et l’auteur conclu "N’ayant pas à traiter la question du tabac au point de vue de son influence, qu’on fait plus mauvais qu’elle n’est en réalité, nous nous sommes contenté de l’apprécier comme valeur et comme ressource au point de vue de l’économie sociale".

Voilà, juste un clin d'oeil au hasard...